{"id":399,"date":"2015-01-01T20:27:25","date_gmt":"2015-01-01T19:27:25","guid":{"rendered":"http:\/\/www.archipress.org\/wp\/?page_id=399"},"modified":"2015-01-27T08:23:42","modified_gmt":"2015-01-27T07:23:42","slug":"quest-ce-que-le-soufisme-entretien-avec-michel-chodkiewicz","status":"publish","type":"page","link":"https:\/\/www.archipress.org\/?page_id=399","title":{"rendered":"Qu’est-ce que le soufisme ? Entretien avec Michel Chodkiewicz"},"content":{"rendered":"

Qu’est-ce que le soufisme?<\/h3>\n

Entretien avec Michel Chodkiewicz<\/strong><\/p>\n

Michel Chodkiewicz, Directeur G\u00e9n\u00e9ral des \u00e9ditions du Seuil jusqu’en juin 1989, Directeur d’\u00c9tudes \u00e0 l’\u00c9cole des Hautes \u00c9tudes en Sciences Sociales. Sa famille d’origine catholique polonaise est \u00e9tablie en France depuis 1832. Lors d’un voyage dans les pays arabes, il d\u00e9couvre le soufisme et se convertit \u00e0 l’Islam vers l’\u00e2ge de 17 ans. Depuis, il fait une recherche inlassable sur les textes d’<\/em>Ibn ‘Arabi<\/em> qui servent de mati\u00e8re \u00e0 son s\u00e9minaire \u00e0 l’\u00c9cole des Hautes \u00c9tudes.<\/em><\/p>\n

Recherche poursuivie par, deux de ses enfants dont Claude Addas qui a publi\u00e9 un ouvrage o\u00f9 elle relate l’itin\u00e9raire spirituel et g\u00e9ographique du cheikh al Akbar: Ibn ‘Arabi, ou la qu\u00eate du Soufre Rouge (Paris, Gallimard, 1989).<\/em><\/p>\n

Michel Chodkiewicz est consid\u00e9r\u00e9 comme l’un des plus grands sp\u00e9cialistes de la pens\u00e9e akbarienne. Les \u00e9ditions Sindbad viennent de publier sous sa direction une \u00e9dition critique des Futuhat alMakkiyya – les Illuminations Mecquoises- (se reporter \u00e0 sa <\/em>bibliographie<\/em>)<\/em><\/p>\n

L’entretien accord\u00e9 \u00e0 Elias pour la Tribune d’Octobre (Montreuil, No 19, mars 1990) constitue le prolongement d’une conf\u00e9rence qu’il a donn\u00e9e en 1990 \u00e0 l’Institut du Monde Arabe qui avait pour th\u00e8me: \u00ab\u00a0Certitudes et conjectures sur l’influence du soufisme <\/em>sur la pens\u00e9e occidentale\u00a0\u00bb.<\/em><\/p>\n

Pourquoi l’Occident m\u00e9di\u00e9val, selon vous, a-t-il montr\u00e9 peu d’int\u00e9r\u00eat pour le soufisme alors m\u00eame qu’il puisait all\u00e8grement dans les sciences arabes? Les raisons seraient-elles purement techniques?<\/strong><\/p>\n

Je crois qu’on ne peut pas retenir, pour expliquer ce manque d’int\u00e9r\u00eat apparent, des raisons purement techniques qui seraient dues, par exemple, aux difficult\u00e9s d’acc\u00e8s aux ouvrages de tasawuf<\/em>. On ne voit pas pourquoi il serait plus difficile de trouver des textes soufis que des textes philosophiques ou scientifiques. D’autre part, le probl\u00e8me de la complexit\u00e9 de ces textes ne me parait pas non plus une explication. Ceux d’Averro\u00e8s ou d’Avicenne n’\u00e9taient pas non plus faciles. Donc, les explications de cet ordre me paraissent, \u00e0 supposer qu’on puisse les retenir, comme extr\u00eamement secondaires. La raison principale, je la vois dans le fait suivant: en mati\u00e8re de philosophie et de sciences, l’Occident \u00e9tait demandeur. Les Arabes avaient une avance consid\u00e9rable en m\u00e9decine, astronomie, math\u00e9matiques etc…<\/p>\n

L’Occident chr\u00e9tien avait des besoins cultuels en mati\u00e8re de pens\u00e9e sp\u00e9culative. Mais sa foi, sa compr\u00e9hension des v\u00e9rit\u00e9s de la foi, sa vie spirituelle \u00e9taient suffisamment robustes pour qu’il n’\u00e9prouve pas le sentiment d’un manque \u00e0 combler. Je crois qu’il est significatif que l’int\u00e9r\u00eat pour le soufisme et pour d’autres traditions orientales ait commenc\u00e9 justement au moment o\u00f9 la foi et les valeurs spirituelles s’\u00e9taient affaiblies en Occident. Ce mouvement s’est amorc\u00e9 au XVIIIe si\u00e8cle, s’est confirm\u00e9 au XIXe et s’est acc\u00e9l\u00e9r\u00e9 au XXe: c’est au XXe, en effet, qu’on a traduit beaucoup de textes soufis d’une part, et qu’on a assist\u00e9 d’autre part \u00e0 des mouvements de conversion \u00e0 l’islam en Europe et en Am\u00e9rique d\u00e9termin\u00e9s par cet appel d’air du soufisme.<\/p>\n

Pourquoi le soufisme n’a \u00ab\u00a0pas pris\u00a0\u00bb plus t\u00f4t?<\/strong><\/p>\n

Il n’y a pas de preuves historiquement admissibles \u00e9tablissant des contacts entre les traditions spirituelles de l’Occident et l’Islam.<\/p>\n

Il existe des conjectures, des indices mais pas de certitudes; contrairement aux affirmations qui ont \u00e9t\u00e9 faites quelques fois par des sp\u00e9cialistes et souvent par des vulgarisateurs. Il me parait en m\u00eame temps invraisemblable que des gens qui vivaient ensemble, soit au Proche-Orient \u00e0 l’\u00e9poque des croisades, soit en Espagne ou en Sicile, se soient compl\u00e8tement ignor\u00e9s. La culture \u00e9tait partag\u00e9e. Or cette culture \u00e9tait impr\u00e9gn\u00e9e de religieux. Il est impensable que de grands spirituels chr\u00e9tiens aient \u00e9t\u00e9 totalement indiff\u00e9rents \u00e0 ce que pourraient penser et vivre de grands spirituels musulmans. Mais ceci a du se passer sur le plan de contacts individuels qui n’ont pas laiss\u00e9 de traces historiques.<\/p>\n

Pourtant les orientalistes \u00e9voquent les influences qu’auraient subies Th\u00e9r\u00e8se d’Avila ou Raymond Lulle?<\/strong><\/p>\n

Dans le cas de Lulle, on a tendance \u00e0 surestimer la profondeur de sa connaissance du soufisme. En v\u00e9rit\u00e9, il conna\u00eet peu le soufisme m\u00eame s’il lui est arriv\u00e9 d’utiliser des termes ou des concepts emprunt\u00e9s au soufisme comme la notion de \u00ab\u00a0habdarat\u00a0\u00bb ou des \u00ab\u00a0asma Allah alhusna\u00a0\u00bb. On a l’impression qu’il n’a pas essay\u00e9 de comprendre ce que signifiaient ces termes pour les soufis. Il les a retenus et leur a donn\u00e9 une \u00e9quivalence chr\u00e9tienne tr\u00e8s superficielle. Donc, il y a plut\u00f4t un habillage de notions chr\u00e9tiennes par des termes emprunt\u00e9s au soufisme chez Raymond Lulle qu’une compr\u00e9hension en profondeur; du moins sur la base des textes que je connais. Mais il y a eu probablement d’autres personnages dont l’histoire n’a pas retenu la trace. Apr\u00e8s tout, les contacts entre individus ne donnent pas toujours lieu \u00e0 la constitution d’archives surtout \u00e0 cette \u00e9poque. J’ai \u00e9mis l’hypoth\u00e8se que des juifs convertis au christianisme auraient pu jouer un r\u00f4le de transmetteurs apr\u00e8s la reconqu\u00eate de l’Espagne par les chr\u00e9tiens, ce qui expliquerait les traces d’influentes soufies qu’on trouve chez Th\u00e9r\u00e8se d’Avila (qui avait un grand-p\u00e8re juif). Il ne faut pas oublier que les juifs participaient \u00e0 cette m\u00eame culture, \u00e9crivaient dans la m\u00eame langue et lisaient les m\u00eames textes.<\/p>\n

Et les Juifs qui ont \u00e9t\u00e9 acquis au soufisme comme certains descendants de Ma\u00efmonide par exemple?<\/strong><\/p>\n

Ce ne sont pas des soufis \u00e0 proprement parler. Ils restaient juifs. (Michel Chodkiewicz a pr\u00e9cis\u00e9 \u00e0 maintes reprises que pour \u00eatre soufi, il faut \u00eatre musulman).<\/p>\n

Sourate Al Fatiha<\/em> l’Ouvrante<\/p>\n

Mais ils se sont aper\u00e7us qu’il y avait des ressources spirituelles immenses dans le soufisme. Ils ont lu des auteurs soufis. A ce propos, je vous renvoie au livre de Paul Fenton qui a \u00e9t\u00e9 publi\u00e9 chez Verdier et qui s’intitule: \u00ab\u00a0Deux trait\u00e9s de mystique juive\u00a0\u00bb. Ces deux trait\u00e9s sont dus \u00e0 des descendants de Ma\u00efmonide. Ils ont litt\u00e9ralement recopi\u00e9 des passages d’auteurs soufis. Seulement quand il y avait une citation d’un des compagnons du Proph\u00e8te, par exemple, ils \u00e9crivaient: \u00a0\u00bb Un sage d’entre les nations a dit que…\u00a0\u00bb. De m\u00eame que lorsqu’il y avait une citation coranique, ils cherchaient un passage de la Tora qui pouvait convenir.<\/p>\n

C’est la raison pour laquelle je retiens plut\u00f4t l’hypoth\u00e8se que c’est par les juifs plus que par l’interm\u00e9diaire des Moriscos que certaines disciplines se sont transmises. Les juifs convertis au christianisme, en apparence ou en r\u00e9alit\u00e9, avaient gard\u00e9 davantage de la culture arabo-islamique que les Moriscos parce qu’en r\u00e9alit\u00e9, l’\u00e9lite musulmane est partie vers l’Orient et ceux qui sont rest\u00e9s \u00e9taient pauvres en culture.<\/em><\/p>\n

Peut-on avoir une saisie du soufisme sinon une perception sans le pratiquer soi-m\u00eame? Autrement dit, doit-on proc\u00e9der d’une sorte d’anthropologie participante?<\/strong><\/p>\n

L’exemple de bien des orientalistes montre qu’on peut travailler toute sa vie sur les textes soufis sans jamais les comprendre en profondeur. Ceci est vrai de toute autre tradition mystique. Je pense que si on travaille simplement sur les textes avec un esprit ouvert, on arrive \u00e0 saisir les concepts mais pas le dawq <\/em>(saveur).Selon une image qu’emploient les soufis: lorsque vous d\u00e9crivez le miel \u00e0 quelqu’un qui n’en a jamais go\u00fbt\u00e9, vous avez beau user de tous les instruments n\u00e9cessaires pour vous exprimer, vous n’arriverez jamais \u00e0 lui faire sentir ce que c’est le go\u00fbt du miel.<\/em><\/p>\n

Par cons\u00e9quent, je pense qu’une perception vraiment p\u00e9n\u00e9trante des valeurs du soufisme implique un certain degr\u00e9 de participation et on le sent bien dans les textes m\u00eame chez les musulmans. Il ne suffit d’ailleurs pas d’\u00eatre musulman. Vous avez des auteurs musulmans qui sont des esprits tr\u00e8s brillants mais qui n’utilisent que leurs ressources mentales pour commenter un texte soufi et d’autres qui intuitivement saisissent l’essentiel.<\/p>\n

Je vais prendre l’exemple de deux personnages bien connus. L’un v\u00e9cut au XIXe si\u00e8cle et l’autre est mort assez r\u00e9cemment. Au XIXe si\u00e8cle, vous avez l’\u00c9mir Abdelkader qui \u00e9tait un soufi. Et quand dans son Kitab al Mawaqif<\/em> (Livre des Stations), il commente Ibn ‘Arabi, ce n’est pas un travail appliqu\u00e9, rigoureux, de bon \u00e9l\u00e8ve qui essaie de comprendre un texte. Le commentaire est \u00e9crit d’une mani\u00e8re tr\u00e8s simple mais il va tout de suite \u00e0 l’essentiel. Et puis il y a un texte que j’ai d\u00e9couvert tout r\u00e9cemment: le commentaire de Fusus al Hikam<\/em> d’Ibn ‘Arabi par Khomeiny quand il \u00e9tait \u00e9tudiant en th\u00e9ologie. C’est un commentaire en arabe, tr\u00e8s brillant, d’un homme qui poss\u00e8de une vaste culture, qui a un esprit tr\u00e8s aiguis\u00e9 mais, \u00e0 aucun moment on ne sent ce qu’on ressent chez l’\u00c9mir. C’est \u00e0 dire le dawq, la saveur, dont j’ai parl\u00e9. Je ne veux pas me prononcer sur le cas spirituel de l’Imam. Je constate simplement que c’est consciencieux, ing\u00e9nieux mais gu\u00e8re plus.<\/p>\n

Peut-on parler dans le cas de ce commentaire d’une lecture exot\u00e9rique qui serait l’oeuvre d’unmutakallim <\/em>?<\/strong><\/p>\n

Il faut savoir que dans l’islam chi’ite iranien en particulier, on \u00e9vite d’employer le terme de soufisme qui est mal vu, parce qu’il est identifi\u00e9 au sunnisme. On pr\u00e9f\u00e8re le terme ‘irfan<\/em> (gnose). Le propre du ‘irfan est d’\u00eatre sp\u00e9culatif et fortement philosophant. C’est une des caract\u00e9ristiques du \u00ab\u00a0soufisme\u00a0\u00bb iranien.<\/p>\n

C’est ce qu’on pourrait traduire \u00e9ventuellement par th\u00e9osophie [connaissance des choses divines]?<\/strong><\/p>\n

Litt\u00e9ralement c’est une gnose. Le mot est constitu\u00e9 \u00e0 partir de la racine ‘arafa<\/em>. Mais en fait cela d\u00e9signe ce que dans le sunnisme on appellerait tasawuf (soufisme).<\/p>\n

Les turuq<\/em> [confr\u00e9ries mystiques] connaissent des fortunes diverses selon des pays. Qu’en est-il de la vitalit\u00e9 du soufisme dans ces conditions?<\/strong><\/p>\n

D’abord, je voudrais qu’on distingue bien la pr\u00e9sence ou l’absence du tasawuf du ph\u00e9nom\u00e8ne de la vitalit\u00e9 ou de la d\u00e9cadence des turuq. Ce sont deux choses diff\u00e9rentes. On a tendance, surtout au Maghreb, \u00e0 les identifier. Le tasawuf a commenc\u00e9 avant qu’il y ait des turuq. Il peut aussi exister l\u00e0 o\u00f9 il n’y en a pas.<\/p>\n

Les turuq sont le mode d’architecture sociale dont le tasawuf s’est rev\u00eatu \u00e0 un certain moment de son histoire. En gros, cela commence au XIIIe si\u00e8cle et cela va en se cristallisant de plus en plus… Ce qui est important dans le tasawuf, c’est la notion de silsila<\/em> (cha\u00eene initiatique.) que celle de turuq. Il ne faut pas croire qu’une silsila g\u00e9n\u00e8re forc\u00e9ment une tariqa<\/em>.<\/p>\n

Le cas d’Ibn ‘Arabi est tout \u00e0 fait \u00e9vident. Sa silsila continue jusqu’\u00e0 nos jours (!). Ceux qui se sont transmis laKhirqa<\/em> akbaria<\/em> ou la baraka akbaria<\/em> n’ont jamais constitu\u00e9 de tariqa. On peut \u00eatre rattach\u00e9 \u00e0 la g\u00e9n\u00e9alogie initiatique d’un cheikh sans que cela devienne une institution. Le soufisme peut exister en dehors de ces formes institutionnelles. C’\u00e9tait le cas avant le XIIIe si\u00e8cle. Il y avait des configurations tr\u00e8s fluides autour d’un ma\u00eetre mais elles ne prenaient pas cette forme hi\u00e9rarchique, pyramidale, organis\u00e9e et codifi\u00e9e qu’est devenue la tariqa. A partir du moment o\u00f9 on fait cette distinction, je dirai que le tasawuf n’a jamais cess\u00e9 d’exister et que sa vitalit\u00e9 ne doit pas \u00eatre ramen\u00e9e \u00e0 ses manifestations ext\u00e9rieures. Car il concerne le batin<\/em>, l’int\u00e9rieur de l’\u00eatre.
\nCe n’est pas un parti politique dont on mesure la force en fonction du nombre de ses adh\u00e9rents.<\/p>\n

Malgr\u00e9 le distinguo qu’on pourrait faire, il faut admettre que la crise des confr\u00e9ries rejaillit d’une certaine fa\u00e7on sur le soufisme.<\/strong><\/p>\n

En Alg\u00e9rie par exemple, quelle qu’ait \u00e9t\u00e9 la crise qu’ait connu les turuq, il subsiste des gens que je consid\u00e8re comme d’authentiques soufis. Il en subsiste dans tout le Maghreb et dans tout le monde musulman, y compris en Chine et en U.R.S.S. Et je parle de faits que j’ai pu constater.<\/p>\n

Je crois que les turuq ont \u00e9t\u00e9 amen\u00e9es, et c’est le cas dans les pays o\u00f9 l’Islam a \u00e9t\u00e9 pers\u00e9cut\u00e9 comme U.R.S.S., \u00e0 prendre en charge non pas simplement l’\u00e9sot\u00e9rique mais l’exot\u00e9rique aussi. Le livre de Bennigsen, Le soufi et le commissaire<\/em> (Paris, Seuil) que nous avons publi\u00e9, montrait qu’il y avait en URSS un islam officiel avec des imams nomm\u00e9s par le pouvoir, mais que la religion r\u00e9ellement vivante \u00e9tait celle des turuq. Ces derni\u00e8res deviennent des mouvements de masse qui assument une fonction d’enseignement, de respect de la pratique et des actions caritatives qui normalement auraient \u00e9t\u00e9 du ressort de l’exot\u00e9rique.<\/p>\n

Comme ce fut le cas des turuq \u00e0 l’\u00e9poque coloniale qui ont palli\u00e9 un sous-\u00e9quipement institutionnel?<\/strong><\/p>\n

La situation est encore plus frappante en Union Sovi\u00e9tique. En Alg\u00e9rie, l’islam n’\u00e9tait pas pers\u00e9cut\u00e9. On n’interdisait pas aux musulmans de se rendre \u00e0 la mosqu\u00e9e.<\/p>\n

En U.R.S.S. sous Staline la pratique religieuse \u00e9tait passible de la d\u00e9portation. Le r\u00f4le des turuq est d’autant plus fort que la pers\u00e9cution est plus violente. Ces turuq deviennent un m\u00e9lange d’associations culturelles, de partis politiques, de coop\u00e9ratives \u00e9ducatives et ce qui est sp\u00e9cifique du tasawuf a tendance \u00e0 s’effacer.<\/p>\n

Je pense que dans le monde o\u00f9 nous vivons, le tasawuf va subir une esp\u00e8ce de polarisation. Il y a d’une part une certaine pr\u00e9sence du tasawuf qui va suivre la voie qu’ont eue beaucoup de turuq d’Asie centrale; c’est-\u00e0-dire prendre en charge une communaut\u00e9 quand les institutions normales n’existent plus ou sont discr\u00e9dit\u00e9es. Et puis, en sens inverse, il va y avoir un tasawwuf de plus en plus discret. Je ne dirai pas clandestin.<\/em><\/p>\n

J’ai employ\u00e9 un terme peut-\u00eatre exag\u00e9r\u00e9 en parlant de pers\u00e9cution. Prenons le cas de l’Egypte. On ne peut parler de pers\u00e9cution. Pourtant depuis les Ottomans jusqu’\u00e0 Nasser, le gouvernement a toujours exerc\u00e9 un contr\u00f4le tr\u00e8s rigoureux sur les turuq en vue de les utiliser.<\/p>\n

Quand les turuq sont encadr\u00e9es par l’\u00c9tat comme en \u00c9gypte comment peuvent-elles d\u00e9cemment fonctionner?<\/strong><\/p>\n

L’\u00c9gypte a toujours \u00e9t\u00e9 un pays tr\u00e8s centralis\u00e9. Elle l’\u00e9tait d\u00e9j\u00e0 du temps des pharaons et elle l’est rest\u00e9e. Il existe un cheikh al-chouyoukh qui est en quelque sorte le sup\u00e9rieur g\u00e9n\u00e9ral de toutes les turuq. Tout est tr\u00e8s r\u00e9glement\u00e9 Les turuq doivent faire des d\u00e9clarations sur le nombre et le nom de leurs adh\u00e9rents. On ne peut nommer un moqaddam<\/em> sans autorisation de l’administration .<\/p>\n

Je ne connais pas bien l’exp\u00e9rience \u00e9gyptienne. En tout cas en Alg\u00e9rie, les turuq n’ont pas \u00e9t\u00e9 v\u00e9ritablement pers\u00e9cut\u00e9es mais censur\u00e9es d’une certaine fa\u00e7on, notamment par le biais des nationalisations de l’enseignement priv\u00e9 et des lieux du culte.<\/p>\n

Un gouvernement peut agir sur les turuq visibles qui ont un si\u00e8ge et des filiales, mais \u00e0 partir du moment o\u00f9 tout se passe \u00e0 l’int\u00e9rieur des individus, que peut faire l’\u00c9tat face \u00e0 quelqu’un qui pratique le dhikr <\/em>en silence. C’est cela qui a permis au soufisme de subsister m\u00eame dans les p\u00e9riodes difficiles o\u00f9 le contr\u00f4le \u00e9tatique et \u00e9ventuellement les pers\u00e9cutions se multipliaient.<\/p>\n

On peut critiquer une zaou\u00efa<\/em>, mettre en prison un cheikh, mais, ce n’est pas pour autant qu’on fait dispara\u00eetre le tasawuf parce qu’il est d’abord int\u00e9rieur. Il peut se traduire secondairement par des processions dans les rues avec des banni\u00e8res, par des f\u00eates et des mawalid mais l’essentiel n’est pas l\u00e0. Ce ne sont l\u00e0 que des manifestations ext\u00e9rieures.<\/p>\n

Est-ce que cette int\u00e9riorit\u00e9 du soufisme ne lui interdit pas la vitalit\u00e9 que peut procurer le pros\u00e9lytisme, par exemple?<\/strong><\/p>\n

L\u00e0 encore il faut \u00e9viter de parler en terme de parti politique. Il ne s’agit pas de distribuer des cartes et faire signer le maximum de gens et faire verser une cotisation. Le soufisme c’est la Saintet\u00e9. C’est le fait de l’identification totale de l’\u00eatre \u00e0 ce qu’il croit. Et la saintet\u00e9 a une action rayonnante m\u00eame si on ne fait pas de discours, si on ne publie pas des livres. La Saintet\u00e9 ne se transmet pas par des discours.<\/em> Mais par un contact. Il faut donc que le contact ait lieu.<\/em><\/p>\n

J’ai beaucoup voyag\u00e9 dans le monde musulman et j’ai rencontr\u00e9 des gens que je consid\u00e8re comme des Saints. Ils ne s’amusaient pas \u00e0 accomplir des miracles sous mes yeux ou \u00e0 attirer les foules ou \u00e0 tenir des discours. Mais ils s’imposaient par leur aspect imm\u00e9diat. Quand on les voyait, ils \u00e9taient totalement transparents. Le Saint est un \u00eatre qui int\u00e8gre enti\u00e8rement les v\u00e9rit\u00e9s de la foi.<\/p>\n

Qu’est ce que le tasawwuf finalement?<\/strong><\/p>\n

Les soufis ont donn\u00e9 des d\u00e9finitions extr\u00eamement complexes, mais le tasawuf comme tout ce qui est essentiel en Islam, peut-\u00eatre ramen\u00e9 au Coran ou au Hadith.<\/em> La r\u00e9f\u00e9rence culturelle c’est tout simplement le Hadith sur l’ihsan: an ta’abuda Allaha Kaanaka tarahu.<\/strong> <\/em>Cette phrase du proph\u00e8te, il faut la mesurer: \u00ab\u00a0Il faut que tu adores Dieu comme si tu le voyais\u00a0\u00bb. Cette r\u00e9ponse que fait le proph\u00e8te \u00e0 Seyiduna Jibril [l’ange Gabriel] signifie bien qu’il y a des \u00eatres qui se comportent \u00ab\u00a0comme s’ils voyaient Dieu\u00a0\u00bb.<\/p>\n

Peut-on expliquer alors la suspicion dans laquelle ont \u00e9t\u00e9 tenus les soufis au d\u00e9but et encore aujourd’hui?<\/strong><\/p>\n

On a trop exag\u00e9r\u00e9 cette suspicion et on oublie en particulier que beaucoup de soufis ont \u00e9t\u00e9 en m\u00eame temps des fuqaha<\/em>. L’un des cas les plus connus \u00e9tait celui de Abd-al-Qadir al Jilani l’\u00e9ponyme de la tariqa Qadiriya qui \u00e9tait aussi un enseignant. Il \u00e9tait r\u00e9put\u00e9 pour sa connaissance du fiqh<\/em> et du Hadith.<\/p>\n

Il appartenait au hanbalisme qui repr\u00e9sentait pourtant une attitude s\u00e9v\u00e8re \u00e0 l’\u00e9gard du soufisme.<\/p>\n

L’attitude des fuqaha peut se comprendre jusqu’\u00e0 un certain point. Au-del\u00e0, elle est inadmissible.<\/p>\n

Les soufis sont amen\u00e9s \u00e0 dire dans des cercles restreints des choses qui, si elles sont mal comprises par un public plus large, auquel du reste elles n’\u00e9taient pas destin\u00e9es, peuvent \u00e9branler sa foi. Je comprends tr\u00e8s bien que des fuqaha disent qu’un texte est dangereux pour la foi des gens qui ne sont pas pr\u00e9par\u00e9s \u00e0 le recevoir. Donc il faut limiter sa circulation. D’ailleurs ce point de vue est partag\u00e9 par les soufis eux-m\u00eames.<\/em><\/p>\n

Jusqu’\u00e0 un certain point, je dirai que l’attitude des fuqaha tient de la prudence. Les formulations du tasawuf ne sont pas faites pour tout le monde et elles peuvent \u00eatre dangereuses pour certaines personnes et d\u00e9conseill\u00e9es \u00e0 d’autres.<\/p>\n

Jusque l\u00e0, ils ont raison. Mais seulement, parfois ils vont au del\u00e0. Ils ne se bornent pas \u00e0 recommander la limitation de la circulation d’un texte. Ils disent qu’il faut mettre l’auteur de cet \u00e9crit au feu. Ils prononcent letakfir <\/em>contre lui. Ils demandent que ses livres soient br\u00fbl\u00e9s. Et cela, ils n’ont pas \u00e0 le faire parce que la r\u00e8gle fondamentale dans la Sunna est de choisir l’interpr\u00e9tation la plus bienveillante.<\/p>\n

C’est-\u00e0-dire admettre que l’auteur fait partie de ahl al qibla<\/em> et qu’on peut savoir pas bien compris ce qu’il voulait dire et on laisse le jugement \u00e0 Dieu. On n’a pas le droit de d\u00e9clarer Kafir <\/em>[m\u00e9cr\u00e9ant] un musulman sinc\u00e8re, sous pr\u00e9texte qu’on n’a pas saisi ses intentions. La limite c’est le tawaqqul<\/em> [s’en remettre \u00e0 Dieu] quand on ne sait pas, ou on s’abstient de juger ou on cr\u00e9dite l’auteur.<\/p>\n

 <\/p>\n

Principaux ouvrages de Michel Chodkiewicz<\/strong><\/p>\n

Emir Abd el-kader, Ecrits spirituels<\/em> (Kitab al Mawaqif), pr\u00e9sentation, traduction et notes, Paris, Seuil, 1982.<\/p>\n

Awhad al-Din Balyani, Ep\u00eetre sur l’Unicit\u00e9 absolue,<\/em> pr\u00e9sentation, traduction et notes, Paris, Les Deux Oc\u00e9ans, 1982.<\/p>\n

Le Sceau des Saints, proph\u00e9tie et saintet\u00e9 dans la doctrine d’Ibn ‘Arabi,<\/em> Paris, Gallimard, 1986.<\/p>\n

Les Illuminations de la Mecque<\/em>, textes choisis des Futuhat Makkiya<\/em> (avec la collaboration de W. Chittick, C. Chodkiewicz, D. Gril et J. Morris), Paris, Sindbad, 1988.<\/p>\n

Un oc\u00e9an sans rivage, Ibn ‘Arabi, le Livre et la Loi,<\/em> Paris, Seuil, 1992.<\/p>\n

 <\/p>\n

Following the guiding light of Ibn Arabi<\/strong><\/p>\n

By Christian Jambet<\/strong><\/p>\n

This meditation of Michel Chodkiewicz on the works of the great theosophe is also a thesis on the destiny of the Muslim Community.<\/p>\n

An ocean with no limits<\/em>
\nIbn Arabi<\/em>
\nThe Book and the Law<\/em>
\nBy Michel Chodkiewicz
\nParis, Le Seuil, 1992.<\/p>\n

The works of the great Andalucian theosophe Ibn Arabi (1165-1240) have an exceptional value. This does not mean that they are well-known. Despite translations, their immensity discourages the efforts, and it is necessary to refer back, sometimes, to those who dedicated their lives to read Ibn Arabi exhaustively to grasp, in a nutshell, the ultimate spirituality deployed in these thousands of pages. Michel Chodkiewicz has again, in his latest book, put forward a question concerning the integral interpretation of Ibn Arabi, by multiplying tiring readings of precision and knowledge. Let’s dig in further: In this [latest] meditation he explores further meanings of the spiritual conquests of Mecca, this \u00ab\u00a0ocean with no limits\u00a0\u00bb of the gnosis which corresponds to the unlimited ocean of Quranic scripture. Michel Chodkiewicz proposes, for those who know how to read it, a thesis on Islam and the destiny of its Community. Thence we have at our hands a guide to access the writings of Ibn Arabi, and command a most instructed, authoritative, judgement on the essence of \u00ab\u00a0submission\u00a0\u00bb or \u00ab\u00a0obedience\u00a0\u00bb to God, the ultimate attitude of whoever wants to be a Muslim.<\/p>\n

It is astounding that of the numerous authors who commented on Ibn Arabi, and those who cited him, and those who praised him, in Sunni Islam and in Shiism, never conceived the project to elucidate, publically, the scheme of Ibn Arabi’s major work. Michel Chodkiewicz discovers that this
\n[the absence of such a general review] is neither due to ignorance, nor is the consequence of some amateurism, but is due to an esoteric reading [of Islam] guarded in secrecy. One must note that this dangerous word has a very precise meaning: Reading Ibn Arabi is not throwing words haphazard with an arbitrary meaning which might mean love. This is a manifestation of hidden and complex relations [with the One] which consider [in their expressions] the veiled structures of the Book and thought.<\/p>\n

Here is what Michel Chodkiewicz proves in detail: The structure of thought is always governed by the rigourous structures, infinite in power, of the Quranic text. Put in other words, there exists a conscious homology, a munitious correspondence between the order of the Surahs, cut into verses, the pauses in the reading of such verses, sometimes even between isolated words in the Quran and the order of the chapters, their themes, the intention that guides them or the inspiration that they yield. The structure of these spiritual Conquests (Futuhat<\/em>) is the same as that
\nof the Holy Quran.<\/p>\n

What are then the results? First, we have to renounce the claim that \u00ab\u00a0Ibn Arabi’s method, the method of this grand Soufi, is equivalent in the Sunnite understanding to the exegesis of extremist Shiites: The Ta’wil<\/em>(interpretation).\u00a0\u00bb If the Ismailites of Alamout, for exemple, conceived that exegetic understanding of the holy book amounts to transgression and an abrogation of the letter of the faith [the french text here is very confusing] the same does not hold in Ibn Arabi’s understanding. In fact,
\nIsmailite Shiites value the letter of the faith by easing the symbol of the haqiqa, essential reality of the divine expression. [This understanding] makes it necessary [for Ismailites] to effect a metamorphosis of the [original meanings of the Quranic text], and bring about, under the guise of apparent meanings, a series of hidden understandings, sometimes out of touch with the spirit of the original text. In such a view, the haqiqa is no longer Law (the Sharia<\/em>) itself, it is not even the legal body of the religion ordaining private and public obligations. [Haqiqa<\/em>] is then the antithesis: the abolition of this same religious legal binding.<\/p>\n

The [Quranic] text identifies Law<\/p>\n

The view of Ibn Arabi is then the complete opposite: Text, mystical inspiration, and \u00ab\u00a0devoilement\u00a0\u00bb (Kashf<\/em> – \u00ab\u00a0Divine Unveiling\u00a0\u00bb) are rigourously put to the ultimate judgement of the Quranic text. The text is the norm in this quest. The letter of the book governs the order of the symbols (thence the sequence of theophanies is dictated by the verses of the second surah). [sic — actually third]. In the final analysis, it is the letter, identified with the law, that formulates the essential truth of the verbium, \u00ab\u00a0Law is not the symbol of the haqiqa, it is the haqiqa.\u00a0\u00bb Let’s stress here that Michel Chodkiewicz includes a remarkable critique of allegorism, targetting Philon of Alexandria, paralleling the works of Benny Levy, a Jewish scholar, in his \u00ab\u00a0le Logos et la Lettre\u00a0\u00bb. This yields
\na second consequence, namely that the gnosis of Ibn Arabi is a call to a \u00ab\u00a0state of childhood\u00a0\u00bb which is the condition for a testing of litteral interpretation, to a practice that is based on the verses [of the Quran].<\/p>\n

This richness of Parole yields a realisation of the whole architecture of the spiritual states of prayer, or the [complete] submission of the faithful to his Lord, expressing the eternal state of mankind.<\/p>\n

More than a legalism, reverting to Law (Shari’a<\/em>) is a discovery of the ontological status, the ‘Ubudiyyah<\/em>, which constitutes as such the state of the servant (‘abd<\/em>). We will read [in \u00ab\u00a0Oceans with no limits\u00a0\u00bb] vibrant pages where Michel Chodkiewicz relates the silence of free-will, the silence of intelligence, and the silence of the being. Such will be the authentic mystical experience, where the beings join the \u00ab\u00a0unique being\u00a0\u00bb (Ittihad<\/em>). Law (Sharia<\/em>) is then the vehicle. Michel Chodkiewicz proposes, in Ibn Arabi, a modal of the Islamic conscience, between two perils of pseudo–litteralism of exoterist doctors of the faith ([official] Saudi Islam ?) and messianic Shiite exigesis. In this
\nunderstanding, Ibn Arabi is viewed at the origin of an irenic [conducive to or operating toward peace or conciliation] legality. Is it true that the whole debate [in Islam] revolves around this [central] theme: The spiritual realization of Islam. Does is essentially pass through Law (Sharia<\/em>) or does it suppose the antithesis of the Law (the Imam<\/em> for Shiites for exemple) ?
\n_______________________________________________________________________________<\/p>\n

Original French Article not featured as per copyright restrictions. Adapted from French by MSANEWS Editors<\/a><\/b>.<\/p>\n

NOTE: CITATION
\nLe Monde, 22 mai1992
\nSECTION: Le Monde des livres
\nTITRE: A la lumiere d’Ibn Arabi
\nPAR:
CHRISTIAN JAMBET<\/a><\/b>
\nCHAPEAU: La meditation que propose Michel Chodkiewicz sur l’oeuvre du grand
\nth\u00e9osophe est aussi une th\u00e8se sur le destin de la communaut\u00e9 islamique.
\n_______________________________________________________________________<\/p>\n

LIVRE: UN OCEAN SANS RIVAGE
\nIbn Arabi,
\nle livre et la Loi
\nde Michel Chodkiewicz.
\nParis, Le Seuil, 1992.<\/p>\n

L’oeuvre du grand th\u00e9osophe andalou Ibn Arabi (1165-1240)<\/p>\n

 <\/p>\n","protected":false},"excerpt":{"rendered":"

Qu’est-ce que le soufisme? Entretien avec Michel Chodkiewicz Michel Chodkiewicz, Directeur G\u00e9n\u00e9ral des \u00e9ditions du Seuil jusqu’en juin 1989, Directeur d’\u00c9tudes \u00e0 l’\u00c9cole des Hautes \u00c9tudes en Sciences Sociales. Sa famille d’origine catholique polonaise est \u00e9tablie en France depuis 1832. Lors d’un voyage dans les pays arabes, il d\u00e9couvre le \u2026 Lire plus \/ Read more<\/a><\/p>\n","protected":false},"author":1,"featured_media":1789,"parent":0,"menu_order":0,"comment_status":"closed","ping_status":"closed","template":"","meta":{"ngg_post_thumbnail":0},"_links":{"self":[{"href":"https:\/\/www.archipress.org\/index.php?rest_route=\/wp\/v2\/pages\/399"}],"collection":[{"href":"https:\/\/www.archipress.org\/index.php?rest_route=\/wp\/v2\/pages"}],"about":[{"href":"https:\/\/www.archipress.org\/index.php?rest_route=\/wp\/v2\/types\/page"}],"author":[{"embeddable":true,"href":"https:\/\/www.archipress.org\/index.php?rest_route=\/wp\/v2\/users\/1"}],"replies":[{"embeddable":true,"href":"https:\/\/www.archipress.org\/index.php?rest_route=%2Fwp%2Fv2%2Fcomments&post=399"}],"version-history":[{"count":3,"href":"https:\/\/www.archipress.org\/index.php?rest_route=\/wp\/v2\/pages\/399\/revisions"}],"predecessor-version":[{"id":1790,"href":"https:\/\/www.archipress.org\/index.php?rest_route=\/wp\/v2\/pages\/399\/revisions\/1790"}],"wp:featuredmedia":[{"embeddable":true,"href":"https:\/\/www.archipress.org\/index.php?rest_route=\/wp\/v2\/media\/1789"}],"wp:attachment":[{"href":"https:\/\/www.archipress.org\/index.php?rest_route=%2Fwp%2Fv2%2Fmedia&parent=399"}],"curies":[{"name":"wp","href":"https:\/\/api.w.org\/{rel}","templated":true}]}}